vendredi 17 avril 2020

Saint Augustin à la rescousse

On a le temps d'y penser...

« Qu’est-ce donc que le temps ? 
Si personne ne m’interroge, je le sais ; si je veux répondre à cette demande, je l’ignore. 
Et pourtant j’affirme hardiment, que si rien ne passait, il n’y aurait point de temps passé ; que si rien n’advenait, il n’y aurait point de temps à venir, et que si rien n’était, il n’y aurait point de temps présent. 
Or, ces deux temps, le passé et l’avenir, comment sont-ils, puisque le passé n’est plus, et que l’avenir n’est pas encore ? 

Pour le présent, s’il était toujours présent sans voler au passé, il ne serait plus temps ; il serait l’éternité. 
Si donc le présent, pour être temps, doit s’en aller en passé, comment pouvons-nous dire qu’une chose soit, qui ne peut être qu’à la condition de n’être plus ? 
Et peut-on dire, en vérité, que le temps soit, sinon parce qu’il tend à n’être pas ?

Or, ce qui devient évident et clair, c’est que le futur et le passé ne sont point ; et, rigoureusement, on ne saurait admettre ces trois temps : passé, présent et futur ; mais peut-être dira-t-on avec vérité : Il y a trois temps, le présent du passé, le présent du présent et le présent de l’avenir. 

Car ce triple mode de présence existe dans l’esprit ; je ne le vois pas ailleurs. 
Le présent du passé, c’est la mémoire ; le présent du présent, c’est l’attention actuelle ; le présent de l’avenir, c’est son attente. 

Si l’on m’accorde de l’entendre ainsi, je vois et je confesse trois temps ; et que l’on dise encore, par un abus de l’usage : Il y a trois temps, le passé, le présent et l’avenir ; qu’on le dise, peu m’importe ; je ne m’y oppose pas : j’y consens, pourvu qu’on entende ce qu’on dit, et que l’on ne pense point que l’avenir soit déjà, que le passé soit encore. »


                                                                   Saint Augustin, Les Confessions, Livre XI

400 apr JC 

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