mercredi 29 avril 2020

Les roses d'Anselm Kieffer


Extrait de la newsletter de la Galerie Thaddaeus Ropac "From the studio"

Wherever we turn in the storm of roses,
the night is lit up by thorns, and the thunder
of leaves, once so quiet within the bushes,
rumbling at our heels.
– Ingeborg Bachmann, 1953


Anselm Kiefer’s work is inextricably bound with literature. In his notebooks, he addresses himself: ‘For you poems are like buoys in a sea. you swim from one to the other, without them you’re without direction, lost.’ (2017). The painting above takes its title from Ingeborg Bachmann's poem, 'In the Storm of Roses / Im Gewitter der Rosen’. Bachmann’s tragically beautiful poem, like Kiefer’s paintings, explores the debilitating nature of catastrophe.

In many of his works Kiefer establishes a symbiotic relationship between painting and writing. This aspect has been further explored by Nobel Prize-winning novelist Orhan Pamuk in an insightful text entitled 
'Words and Images’, on his encounter with the artist published in the catalogue for the exhibition we presented at our Salzburg gallery in 2015: ‘Is it possible, then, to look at a painting and be able, ultimately, to read it? Is it possible to treat a book as a painting, and a painting as a book?’ ('Words and Images’, Orhan Pamuk, 2015). 

Consulter l'article et voir l'oeuvre ici



dimanche 19 avril 2020

tracts@gallimard.fr



« Tracts Gallimard » se réinvente durant notre temps commun de confinement et de lutte contre la pandémie
Chaque jour, durant cette période de crise, « Tracts » publie, sous forme numérique, des textes brefs et inédits d’auteurs déjà publiés dans la collection ou se sentant proches de celle-ci. 

Extrait du tract n°46, publié le 15 avril 2020
"J’ai vécu tous ces jours en proie peut-être à une maladie létale, et je ne sais ce qui était le plus angoissant, de la menace, ou de l’incertitude. Étrange expérience, archaïque, et solitaire : abriter peut-être dans son corps le mal qui met le monde à l’arrêt ; héberger la catastrophe ; être soi-même devenue un danger." 




samedi 18 avril 2020

re-commencer

pour qu’une chose commence 
il faut qu’une autre se termine 
pour qu’une chose se termine 
il faut qu’une autre commence


une évidence à méditer...

vendredi 17 avril 2020

Saint Augustin à la rescousse

On a le temps d'y penser...

« Qu’est-ce donc que le temps ? 
Si personne ne m’interroge, je le sais ; si je veux répondre à cette demande, je l’ignore. 
Et pourtant j’affirme hardiment, que si rien ne passait, il n’y aurait point de temps passé ; que si rien n’advenait, il n’y aurait point de temps à venir, et que si rien n’était, il n’y aurait point de temps présent. 
Or, ces deux temps, le passé et l’avenir, comment sont-ils, puisque le passé n’est plus, et que l’avenir n’est pas encore ? 

Pour le présent, s’il était toujours présent sans voler au passé, il ne serait plus temps ; il serait l’éternité. 
Si donc le présent, pour être temps, doit s’en aller en passé, comment pouvons-nous dire qu’une chose soit, qui ne peut être qu’à la condition de n’être plus ? 
Et peut-on dire, en vérité, que le temps soit, sinon parce qu’il tend à n’être pas ?

Or, ce qui devient évident et clair, c’est que le futur et le passé ne sont point ; et, rigoureusement, on ne saurait admettre ces trois temps : passé, présent et futur ; mais peut-être dira-t-on avec vérité : Il y a trois temps, le présent du passé, le présent du présent et le présent de l’avenir. 

Car ce triple mode de présence existe dans l’esprit ; je ne le vois pas ailleurs. 
Le présent du passé, c’est la mémoire ; le présent du présent, c’est l’attention actuelle ; le présent de l’avenir, c’est son attente. 

Si l’on m’accorde de l’entendre ainsi, je vois et je confesse trois temps ; et que l’on dise encore, par un abus de l’usage : Il y a trois temps, le passé, le présent et l’avenir ; qu’on le dise, peu m’importe ; je ne m’y oppose pas : j’y consens, pourvu qu’on entende ce qu’on dit, et que l’on ne pense point que l’avenir soit déjà, que le passé soit encore. »


                                                                   Saint Augustin, Les Confessions, Livre XI

400 apr JC 

mardi 14 avril 2020

Journal de confinement

Depuis le 16 mars, j'écris un journal de confinement. 
Le besoin de scander ces journées et de garder une trace écrite de leur contenu me pousse à rédiger des notes sur un petit zap book. 
Ecrites à la main, mal, sur un papier pas très beau, je prends le parti de désacraliser ces notes, de ne pas en faire cas. 
J'imagine plutôt un souvenir intime, à redécouvrir et relire dans plusieurs années. 

Quelques extraits en désordre pour rejouer la partition des semaines passées. 


Dans peu de temps tout va se diluer dans une brume d'amnésie.

A. porte son sweatshirt rose à l'envers pour se protéger la bouche avec sa capuche.
Je me mets devant mon ordi mais je ne sais pas quoi faire. 
Il fait un temps magnifique. 
La vie humaine s'arrête mais la nature est en pleine éclosion. 
J'ai fait un grand ménage ce matin au soleil. 
Je danse le mambo. 
La rue est vide, le silence est presque total. 
On entend un coq, des oies, des chevaux et des oiseaux. 
On regarde Klute le soir. Donald Sutherland est trop mignon !  
Tarte Tatin. 
Un jour de retard et déjà ce dimanche s'est estompé dans ma mémoire. C'est un véritable exercice d'explorer en profondeur, d'aller au delà de ce clapotis du quotidien pour redécouvrir les joyaux de cette journée. Quels sont-ils ? 
Sensation de soleil brûlant derrière la vitre. 
Je suis de tout coeur avec C. et j'imagine avec effroi sa solitude et son angoisse, seule chez elle. 
Gym et skype avec E. 
L. va mieux. 
M. est en danger. 
On peint le petit mur du balcon en bleu vidéo. Un bleu électrique, profond, vibrant et mat. 
Le bébé de B. est né, c'est une fille. 
Le soleil est infatigable. 
Je fais des masques. Comment la vie a-t-elle pu basculer ainsi en si peu de temps ? Me voilà, accroupie par terre, en train de fabriquer des accessoire de SURVIE ! 
Les infos disent que la moitié de l'humanité est confinée. 
Mais de quoi a été fait ce vendredi 28 ? L'avons nous vraiment vécu ? 
Va-t-on changer de rhyme et d'activité parce que c'est samedi ? On hésite. 
Dois-je faire un break ? Mais un break de quoi ? 
On est loin du tourbillon du quotidien en hyper activité. Il n'y a plus de coupures ni de chaos. 
Sauf quand une mauvaise nouvelle arrive comme celle de C. Là, l'électrochoc est puissant. 
Difficile d'oublier cet évènement aigu qui reste dans nos pensées étales comme une épine
dans le doigt. 
Je dors devant James Bond, docteur No. 
Une discussion au diner qui dérape vers l'angoisse du lendemain et surtout du futur. 
Les enfants jettent à notre tête leur profond malaise face à cet avenir bouché, noir, dans lequel ils n'arrivent pas à se projeter, à imaginer construire quelque chose. 
Rien. Mais le temps passe et sans ennui. Comment est-ce possible ? 
Je passe tout le côté gauche du jardin à la grelinette. 
Les épinards sortent ! Quelques petites têtes de petits pois !
M. est mort ce matin. 
Le cerisier est à son épanouissement maximal. Une vraie neige. 
Et personne ne peut serrer C. dans ses bras. 
Battage de casserole à 20h. Je fais connaissance avec les voisins qui tapent aussi. 
Les échanges et contacts sociaux les plus simples me manquent. Les conversations un peu routinières, inutiles, les rencontres de hasard, les discussions sur un bout de trottoir. 
On se sent seuls ensemble en famille, comme sur une île. Ce n'est pas pesant heureusement mais ce n'est pas le paradis non plus. Au moins la fin d'un fantasme ! 
Les journées se découpent en tranches de plus en plus fines dont l'enchainement se fait sans contraintes, sans planning, sans chef d'orchestre. Je m'y installe, enfin à mon aise.